Simon Merveille élève des chèvres dans les Alpes-de-Haute-Provence. Il est aussi formateur à la mise en place de chiens de protection de troupeau pour l’IDELE (Institut de l’élevage). Il nous explique le rôle de ces chiens auprès des éleveurs et ce qui fait leurs particularités.
Simon Merveille, formateur à la mise en place de chiens de protection
Bonjour Simon, pouvez-vous nous en dire plus sur vous et sur votre activité ?
Je m’appelle Simon Merveille. Je suis le référent en chiens de protection sur la région PACA. J’anime des formations à destination des éleveurs dans le cadre du plan loup (mesures d’accompagnement des éleveurs confrontés à la prédation), pour la mise en place de leurs chiens de protection, mais aussi pour les acteurs en lien avec l’élevage : agents de parcs nationaux, offices du tourisme…
J’accompagne également des éleveurs individuellement dans la mise en place des chiens de protection sur leur exploitation.
Enfin, je suis aussi conjoint d’exploitation sur l’exploitation de ma femme, où nous sommes éleveurs caprins depuis 15 ans et avons aussi quelques vaches laitières.
Nous utilisons des chiens de protection depuis nos débuts, car nous évoluons dans une zone de prédation et avons été victimes d’attaques sur notre troupeau lors de notre première année. Nous n’avions même pas eu le temps de sortir un fromage.

Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste le rôle du chien de protection ?
C’est un chien qui va être familiarisé aux animaux du troupeau dès son plus jeune âge. Il va éprouver un attachement fort au troupeau et c’est ce qui va lui permettre de le protéger contre les intrus environnants : les autres chiens, les loups, les ours, les lynx… mais les prédateurs peuvent aussi être des rapaces, des blaireaux, des sangliers, des renards… certains éleveurs utilisent également des chiens de protection pour se prémunir des vols.
Comment le chien protège-t-il le troupeau ?
Le chien de protection peut intervenir de plusieurs manières : il peut alerter en aboyant et faire comprendre à l’intrus qu’il n’est pas le bienvenu. Cela peut aussi lui permettre de communiquer avec les autres chiens de sa meute pour les avertir.
Si l’alerte n’est pas prise en considération, il va se déplacer vers l’intrus. On appelle ça l’interposition. Le chien se place entre l’intrus et le troupeau. Si ce n’est toujours pas considéré, il va passer à l’agression et va entrer en contact physique avec le prédateur.
Un chien peut-il protéger un troupeau seul ?
Généralement, les éleveurs commencent avec un seul chien de protection. Mais très vite, surtout en contexte de prédation, ils se rendent comptent de la nécessité d’avoir plusieurs chiens de protection. Une meute de chiens de protection travaille comme une équipe de rugby, avec des rôles complémentaires pour améliorer la protection et faire le poids face aux prédateurs. C’est pour cette raison que les usagers peuvent parfois rencontrer des chiens de protection en nombre.
Constituer une meute permet de palier certains problèmes : on peut invertir les chiens s’il y a une chienne en chaleur, un chien blessé, on peut aussi anticiper le vieillissement d’un chien.
La carrière d’un chien de protection commence véritablement entre ses 18 et 24 mois, sera à son optimum de 3 à 6 ans et déclinera vers 8 ou 9 ans. Une meute permet d’avoir toujours des chiens en pleine possession de leurs moyens. D’autant que les chiens plus âgés peuvent calmer les plus jeunes souvent plus turbulents.
Il faut savoir qu’on ne retire pas un chien d’un troupeau. On le laisse vieillir avec les animaux et s’il ne peut plus se déplacer, il reste à la bergerie.

Qu’est-ce qui pousse le chien à protéger son troupeau ?
On fait naître le chiot en bergerie, pour qu’il soit au contact d’animaux domestiques dès ses premières heures. C’est ce que l’on appelle la phase d’imprégnation. Dès qu’il développe son ouïe et son odorat, il va commencer à percevoir son environnement. Cela va lui permettre de l’appréhender de manière positive ou neutre. À ce moment-là, il va apprendre à communiquer avec le troupeau.
Après l’imprégnation, vient la fixation. Le chien va commencer à considérer le troupeau comme sa famille. Il va avoir une relation privilégiée avec les animaux et va développer de l’affection pour eux. C’est d’ailleurs ce qui va l’amener à vouloir le défendre. C’est ce que l’on appelle la protection des ressources affectives. Il y a plusieurs types de protection de ressources : la protection de ressources alimentaires, lorsque le chien protège sa gamelle, la protection de ressources reproductives, lorsque le chien protège sa femelle et la protection de ressources affectives, lorsqu’il protège ceux qu’il considère. Dans ce cas-là, on va faire en sorte qu’il privilégie le troupeau à l’humain, ou même aux autres chiens.
Ensuite, c’est le discernement du chien qui va lui permettre de comprendre qui sont les animaux à protéger et qui sont les intrus, lui apprendre à faire la distinction entre un usager et un loup. Tout ça va s’acquérir lors de la phase de familiarisation. Par répétition, on va présenter au petit chiot différents éléments extérieurs : des usagers, des vélos, des sons… cela va permettre au chien de comprendre que l’homme est moins dangereux que le loup.
Mais les usagers sont aussi des acteurs de l’éducation des chiens de protection par leur bon comportement. Ils doivent absolument respecter les consignes indiquées sur les panneaux vis à vis des chiens de protection : s’arrêter jusqu’à ce que le chien retourne au troupeau, rester calme, contourner le plus largement possible et éviter de venir en zone pastorale avec un chien de compagnie ou chasse… c’est aussi grâce à leur implication que l’on peut éviter des situations conflictuelles lors des rencontres.
En conclusion, un chien qui a un bon discernement est tout simplement un chien qui a eu une bonne éducation.

Au quotidien, comment prendre soin de son chien de protection ?
L’éleveur doit avoir du temps à consacrer à son chien. On ne parachute pas un chiot dans un troupeau en attendant qu’il se débrouille par lui-même. Accueillir un chien de protection est assez chronophage.
Ensuite, au quotidien, c’est aussi une bonne alimentation. Un chien de protection mal alimenté, c’est un chien de protection qui va perdre en efficacité. Il sera affaibli dans son rôle de protecteur.
Il faut également faire perdurer les apprentissages à travers le temps. Toute l’éducation du chien n’est jamais acquise pour la vie.
Créer une relation de confiance avec son chien est primordial. Un chien de protection bien dans sa tête est un chien qui a un maître qui sait poser des interdits, mais qui sait aussi récompenser. C’est ce qui va permettre de préserver l’équilibre du chien.
Est-ce possible de faire cohabiter chien de conduite et chien de protection ?
On peut tout à fait utiliser un chien de conduite sur un troupeau équipé de chiens de protection. Le tout, c’est de bien préparer la cohabitation en amont, et ce, dès les premiers jours du chien de protection. On va l’habituer à la présence du chien de conduite et faire en sorte qu’il apprenne à tenir son rang pour ne pas perturber son travail.
Quels sont les bénéfices pour l’éleveur ?
Il faut garder en tête que les capacités de l’homme sont bien moindres que celle du chien sur ce terrain-là. Nous n’avons pas le même odorat, pas la même ouïe, pas le même instinct. Le chien de protection peut donc être un vrai pilier pour l’éleveur. C’est lui qui pourra donner l’alerte et prévenir l’éleveur ou le berger en cas d’intrusion.
La présence d’un chien de protection permet également d’empêcher ou limiter ce que l’on appelle le « surplus killing », c’est-à-dire lorsque les prédateurs tuent plusieurs bêtes d’un coup. Le chien baisse le nombre de victimes par attaque et dans certains cas, il peut même faire baisser le nombre d’attaques à zéro.
Aussi, le chien de protection permet d’apaiser le troupeau lorsque les animaux sont habitués à sa présence. Il prend la pression de la prédation sur lui. Le chien de protection tempère le stresse des animaux et on le ressent notamment au niveau des avortements qui baissent en leur présence.
Évidemment, il y a des avantages à accueillir un chien de protection, mais il y a aussi des contraintes. La mise en place n’est pas simple, le chien de protection peut parfois provoquer des accidents, particulièrement avec les usagers. Mais malgré tout, ça reste un fort gain qui permet à des exploitations de perdurer.

Comment se passe la formation pour les éleveurs désireux d’avoir un chien de protection ?
Pour les éleveurs qui ne sont pas éligibles au plan loup, il y a des formations financées par la VIVEA (Fonds pour la formation des entrepreneurs du vivant).
Pour les autres, ils peuvent bénéficier d’une formation collective 100% financée.
Ce sont des formations qui se déroulent sur deux jours, avec une journée en salle pour aborder la partie théorique et une seconde journée où ils iront à la rencontre d’éleveurs pour observer les races, les comportements, les astuces propres à chaque éleveur…
Le plan loup finance aussi un appui technique individuel. Les relais locaux se déplacent sur l’exploitation de l’éleveur quatre à cinq fois par an, tout au long de la mise en place du chien.
La première visite se déroule à l’arrivée du chiot pour voir si le contexte se prête à son accueil, la deuxième se passe généralement un mois après l’arrivée du chiot pour voir comment il est installé dans le troupeau, les autres permettront d’accompagner les éleveurs sur la suite de la mise en place.
Merci à l’IDELE pour
les renseignements et la mise en relation.
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Photos transmises par Simon Merveille

